Par Maïlys Celeux-Lanval
Parmi les plus beaux jardins de France, ceux d’Étretat ont sans nul doute la vue la plus époustouflante qui soit, sur les falaises découpées peintes par Monet et tant d’autres. Leur visite est un enchantement pluriel, d’autant plus qu’ils accueillent cette année, pour la première fois, de jeunes artistes en résidence… Cet été, Beaux Arts vous emmène en voyage, à la découverte, chaque jour, d’une destination surprenante, inspirante ou dépaysante, en France et dans le monde. Décollage immédiat.
Vue sur les falaises depuis les jardins d’Étretat.
Étretat, petite ville ultra-touristique, a deux attraits de taille : son bord de mer aux falaises si célèbres, dont la promenade est d’une beauté à couper le souffle, et ses jardins. Pour y accéder, à moins de tricher en y allant en voiture, vous ne couperez pas à une marche essoufflée jusqu’aux hauteurs de la ville !
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L’entrée est située à deux pas de la petite mais charmante chapelle Notre-Dame-de-la-Garde. Sur place, prévoyez une heure de visite pour découvrir les sept jardins agglomérés sur la pente raide du terrain. Bon à savoir : il est possible de déjeuner léger ou de goûter sur place.
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Ce qu’il faut savoir
Les jardins s’organisent autour d’une belle maison bourgeoise à l’architecture typique de la Normandie. Celle-ci a été construite en 1905 pour une comédienne française aujourd’hui oubliée, Madame Thébault. Sur les conseils de son ami Claude Monet, la propriétaire a fait appel à un jardinier, Auguste Lecanu, pour entourer sa villa d’une verdure luxuriante… Un peu comme le peintre à Giverny !
À gauche : les haies taillées par Alexander Grivko dans le jardin Impressions. À droite : Samuel Salcedo, « Gouttes de pluie » (2016) dans le jardin Émotions.
L’ensemble a traversé le siècle avant d’être racheté en 2017 par un Russe, tombé amoureux d’Étretat lors d’un court séjour. Alexander Grivko, paysagiste de métier, décide alors d’ouvrir les lieux au public, et travaille durant deux ans à leur redonner leur lustre d’antan. Sa grande idée ? Faire pousser au milieu des bosquets savamment sculptés des œuvres contemporaines, signées Samuel Salcedo (des têtes grimaçantes en résine, particulièrement photogéniques !) ou Wiktor Szostalo (auteur d’un hommage à Monet).
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Aujourd’hui, les jardins d’Étretat s’incarnent en éden multiple : difficile de résister à leurs différentes variations – les sept ambiances variant du zen au discipliné, du labyrinthique au belvédère avec vue – comme à ses nombreuses œuvres, qui s’intègrent parfaitement à ses reliefs et couleurs. La bonne nouvelle ? Pas figés pour un sou, les jardins d’Étretat s’ouvrent désormais à la jeune création. Chaque année, une résidence d’artistes sera mise en place au printemps, pour dévoiler une œuvre nouvelle (et éphémère) l’été. Les premières à avoir travaillé ici ? Isabel Judez (née en 1992) et Iga Vandenhove (née en 1989), deux jeunes plasticiennes autrices d’une installation sculpturale à découvrir dans le " jardin d’Amont ", réalisée pour l’occasion au lycée Schuman-Perret du Havre.
Balade dans les jardins d’Étretat
Que voir cet été ?
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L’installation d’Isabel Judez et Iga Vandenhove s’inspire du patrimoine minéral de la région d’Étretat, c’est-à-dire des matériaux qui composent ses sols et ses bâtiments : béton, argile, pierres sédimentaires… Elles ont notamment utilisé du terrazzo marin réalisé à partir de coquillages récupérés dans les poubelles des cuisines de restaurants (!). Et d’expliquer que le recours au minéral leur permet de convoquer une histoire vieille de millions d’années, où des fossiles du Crétacé donnent naissance à des matériaux d’aujourd’hui…
Isabel Judez et Iga Vandenhove, Héritage Érodé, 2023
Sur 4 mètres de longueur et 1,30 de hauteur, 3 500 fragments minéraux recomposent donc le profil de la falaise voisine, et forment comme un instrument à vent. Les deux artistes explorent ici l’équilibre entre naturel et artificiel sur lequel repose la vie humaine, et pointent la précarité des ressources naturelles. Surtout, Isabel Judez et Iga Vandenhove rappellent subtilement que les falaises tant aimées des peintres s’amincissent désormais petit à petit… Vertigineux !